L’île des Cyclades a servi de décor au “Grand Bleu” de Luc Besson. Ce paradis préservé, difficile d’accès, mérite bien une immersion prolongée.
Niché au pied d’une immense falaise ocre, il défie la Méditerranée de sa blancheur immaculée. Une tour d’ivoire perdue dans un désert minéral. Le monastère orthodoxe de Chozoviotissa semble tenir en équilibre contre la roche – applique de sérénité sur mur de silence. Vêtu de noir du couvre-chef cylindrique aux souliers, le supérieur, barbe hirsute, s’extirpe de la minuscule porte et invite les visiteurs à entrer. Une trentaine de marches plus tard, sur une terrasse avec vue sur la mer, deux drapeaux claquent au vent : l’aigle bicéphale byzantin noir sur fond jaune et le pavillon grec bleu et blanc. Tout semble figé comme au XIe siècle qui vit s’élever cette thébaïde troglodyte.
Terrasse de café à Katapola, l’un des deux ports de l’île, situé au sud. Un havre de paix, à l’abri des flux touristiques.
C’est ici même, sur l’île d’Amorgos, la plus orientale des Cyclades, que Luc Besson a filmé le prologue en noir et blanc et l’épilogue du Grand Bleu, romance apnéique aux neuf millions de spectateurs, inspirée de la rivalité entre le Français Jacques Mayol (1927-2001) et l’Italien Enzo Maiorca (1931-2016). Après le générique, où l’on voit Jacques enfant courir dans le labyrinthe des ruelles de Chora, capitale de l’île, on a retenu nos larmes adolescentes en assistant à la noyade de son père, chasseur de corail prisonnier de son scaphandre. Les scènes ont été tournées au pied du monastère, dans la crique d’Agia Anna. Trente ans plus tard, rien n’a changé ou presque. En cette fin avril, la plage est déserte et l’eau aussi turquoise et cristalline qu’au premier jour. Surplombant la mer, la petite chapelle à la vue époustouflante qui servait, dans le film, de maison à Jacques et son père, a été repeinte en blanc une douzaine de fois. Au bout du parking, le Big Blue café n’a pas encore pris ses quartiers d’été et attend les vacanciers, tous volets fermés. Seul le large escalier récent qui dessert la crique et la plage de galets attenante témoigne de l’afflux saisonnier de pèlerins masqués et palmés.
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